Si vous animez un groupe sur des questions complexes, vous disposez de nombreux outils pour mettre les participants en activité. Brainstorming, travail en petits groupes, utilisation de post-it et de techniques d’animation traditionnelles seront au menu. Avec les mêmes questions :
Chacun pourra-t-il s’exprimer de manière équilibrée ?
Va-t-on en sortir des idées pertinentes, originales et partagées ?
Depuis quelques années, des facilitateurs utilisent des Lego® pour animer ce type de réunions. Les petites briques favorisent la créativité, le travail en groupe et la motivation des participants.
Les origines
L’utilisation de Lego® pour animer une réunion remonte au milieu des années 90 quand Johann Roos et Bart Victor, alors enseignants à l’IMD de Lausanne l’utilisent… avec une équipe d’encadrement de l’entreprise qui produit les Lego®. Il ne s’agit pas pour eux d’inventer un ice-breaker ou une nième technique d’animation ludique. Le « Lego® Serious play® » va être étudié et développé dans plusieurs universités. Elles mettent en œuvre les découvertes de Piaget, mais surtout de Seymour Papert.
Seymour Papert poursuit le constructivisme de Piaget et propose une approche constructionniste. Selon lui, les techniques d’apprentissage les plus efficaces sont celles où les apprenants doivent construire quelque chose, qu’il s’agisse d’une publication, d’un objet, d’un service, etc.
Dans le même temps, on se passionne pour la distinction « cerveau gauche/cerveau droit, et pour toutes les techniques qui peuvent concilier les approches visuelles et synthétiques avec des techniques plus analytiques. L’alternance de logos et de Lego® permet d’activer l’ensemble du cerveau.
Et l’analyse du cerveau, nous montre aussi que les mains sont rattachées à de nombreuses connections neuronales. Penser avec ses mains, penser en manipulant des objets doit favoriser la créativité des participants.
Pour poursuivre dans les références pédagogiques, les promoteurs du Lego® Serious play® montrent qu’il développe le flow, en trouvant le juste équilibre entre le défi et les compétences de la personne. Le flow est cette zone où la motivation est optimale, où le temps semble s’arrêter, et où l’on ressent un sentiment d’efficacité.
Plus récemment, certains ont constaté une proximité avec les méthodes de pédagogie inversée. Le travail de construction précède la synthèse et les apports de l’animateur.
L’animateur ou facilitateur est porteur de toutes ces découvertes sur l’engagement, la pensée et la créativité. Et il ne doit pas manquer d’énergie. Laetitia Ramberti confirme :
« Oui, pour le facilitateur il en faut de l’énergie, pour transporter les valises avec les briques ! Le LSP (Lego Serious Play) utilise des pièces particulières, qui permettent de construire plus facilement des modèles complexes.
Et pendant la séance il faut du souffle aussi car les séquences sont rapides, rythmées, pour maintenir les participants dans le ‘flow’.
Il faut aussi du travail en amont, car le facilitateur prépare avec précision le séquençage de son animation, avec une progression dans les défis. »
Comment les utiliser ?
Une méthode rigoureuse et un cadre précis
La méthode Lego® Serious Play® est par définition une méthode de pédagogie ou d’animation active. Les Lego® comme le terme « serious play » évoquent le jeu. Mais le jeu ne doit pas faire oublier les objectifs, et les règles sont donc très rigoureuses.
Ainsi, les participants ne prennent la parole que pour parler d’une pièce, et avec l’accord de l’animateur. Celui-ci les invite régulièrement à ranger les briques… et à ne pas les perdre.
Ces pièces ne sortent pas de n’importe quelle boîte… Elles ont été spécialement conçues par cette entreprise pour répondre aux besoins de ce type d’animation !
Le facilitateur en LSP (Lego® Serious Play®) est certifié. Il appuie son intervention sur un classeur assez précis, qui détaille les étapes, les techniques, les postures de l’animateur, la gestion du groupe, etc.
Une animation structurée
L’animation commence toujours par un échauffement. Progressivement, les participants manipulent les pièces, et finissent par produire une métaphore. La métaphore est un élément essentiel de la méthode du serious game Lego®. Progressivement, en groupe, ils combinent les modèlent et racontent une histoire.
Ce cadre évite les freins ou les appréhensions que les participants pourraient ressentir face à cette méthode. Selon Laetitia Ramberti :
« Il n’y a pas d’appréhensions de la part des participants. Les premiers exercices de construction (une heure environ) sont là pour ça : les participants s’approprient l’outil et la méthodologie. Le facilitateur en profite pour expliquer les concepts de base de LSP, sa finalité, ses avantages, la méthode à suivre. C’est en faisant que les participants comprennent la démarche.
Les participants ne sont pas des stagiaires. Ilne s’agit pas de formations. D’ailleurs le meneur de jeu s’appelle facilitateur. L’idée est de faire avec le savoir – connu ou caché – des participants. Même si’l est possible d’imaginer que le Lego® Serious play® fasse émerger des bonnes pratiques qui seraient ensuite réutilisées dans le cadre d’une formation. »
La démarche se déroule ensuite en quatre étapes :
Le facilitateur pose une question claire. C’est un challenge à partir duquel les participants vont créer une histoire.
Ils construisent ensuite un modèle avec les briques. Ils développent des métaphores.
Ils racontent ensuite une histoire à partir du modèle qu’ils ont construit. Chacun va être amené à prendre la parole.
Le facilitateur fait une synthèse, fait des rapprochements entre les présentations, etc.
Les lectures et vidéos sur le Lego® Serious play® renvoient parfois une image assez contraignante et rigoureuse. Laetitia Ramberti nous explique :
« Oui, la méthode est contraignante. Et c’est en respectant les consignes et les contraintes que la ‘créativité’ peut faire émerger des réponses et des idées ‘out of the box’.
Les participants sont réunis autour d’un thème/une question qui les concernent tous. On part avec le présupposé qu’ils ont tous des réponses/idées à donner. Le facilitateur, après les premiers exercices de mise en jambe, lance des défis (sous forme de question en général, ni trop simple, ni trop compliquée – Robert Rasmussen, formateur en LSP, avait l’habitude de nous dire ‘ »is the question sufficiently unclear? » (« Est-ce que la question est suffisamment floue ? ») car si c’est trop simple on ne va pas chercher trop loin la réponse et du coup on n’apporte pas grand chose de nouveau. C’est intéressant au contraire, d’être un peu en inconfort et de se ‘creuser les méninges’. Et les participants construisent, racontent, échangent. »
La communauté qui développe et promeut cette technique est très active. Elle fait gratuitement une communication enthousiaste et abondante sur pour l’entreprise qui produit les Lego®. De son côté, l’entreprise a très vite considéré les facilitateurs comme un segment à part entière, et les a aidé à rendre visible et à valoriser leur spécificité, avec en particulier la certification, et la formalisation de règles précises.
En formalisant les règles d’animation, en protégeant le nom « Lego® Serious play® », l’entreprise et les facilitateurs contribuent à garder la spécificité de la méthode, et à empêcher sa banalisation, voire sa cannibalisation par d’autres jeux de construction.
Textes de Jean Semo et Marie-Christine Dupont, remixé par Philippe Garenc. Merci à eux pour leur travail exploratoire et unique.